Expiation et pardon, par Emmanuel Rodriguez

La première chose que j’ai faite en sachant que je devais écrire un article sur le pardon, c’est ouvrir mon dictionnaire encyclopédique : j’ai voulu savoir quelles étaient les définitions et les synonymes de ce mot.

J’ai trouvé ceci: pardon = rémission d’une faute, d’une offense ou d’un péché.

Alors, j’ai cherché « rémission » et j’ai trouvé pardon ! J’ai cherché la définition de péché. J’ai trouvé péché = transgression volontaire de la loi divine. Puis j’ai cherché ce que signifiait expiation et j’ai trouvé que c’était une cérémonie religieuse pour effacer une souillure ou un crime. Une purification est une réparation pour un crime, ou pour une faute ou la réparation d’un péché par la pénitence. Et enfin, j’ai voulu savoir ce que signifie pénitence. J’ai vu qu’on parlait de repentir, du regret d’avoir offensé D.ieu, ce qui fait avouer la faute commise et qui porte à la réparer.

Que dit le judaïsme ?

En hébreu, pour la faute et le péché, il y a trois expressions différentes :

  • la première, c’est Het
  • la deuxième, c’est Av on
  • la troisième, c’est Pècha

Et ces trois termes sont les expressions de la mansuétude de Dieu qui se trouvent dans Exode 34:7 où il est dit :  » D.ieu supporte le crime, la rébellion, la faute ». A cet endroit, dans les traductions françaises des bibles catholiques, protestantes et juives, j’ai trouvé pour crime = Avon, pour rébellion = Pècha , et pour faute = “Hèt”.

Selon l’interprétation rabbinique, un Hèt est une faute commise involontairement, par inadvertance. Avon est une faute commise sciemment, intentionnellement mais celui qui a commis cette faute veut revenir vers D.ieu, veut faire pénitence. Alors que Pècha est une rébellion ouverte contre Dieu.

Vous voyez donc qu’il y a une gradation dans la faute ; puisque nous partons de la faute involontaire et nous arrivons jusqu’à la faute qui est une rébellion contre D.ieu. Pour expier le péché commis par inadvertance, la Thora connaît le sacrifice expiatoire. Celui qui s’appelle « Hatat » : le sacrifice expiatoire, de la même racine que « Hèt ». Le rabbinat français le traduit par sacrifice expiatoire ; Segond par sacrifice d’expiation; la Bible de Jérusalem par sacrifice pour le péché.

C’est au Lévitique 6 que l’on parle du « Hatat », et c’est au Levitique 7 que l’on parle du péché commis intentionnellement et pour lequel on doit offrir un sacrifice qui s’appelle « Acham ». Ce mot est traduit par offense délictive pour le rabbinat, sacrifice de culpabilité pour Segond, sacrifice de réparation pour la Bible de Jérusalem.

La faute involontaire s’appelle « Chgaga », erreur, ignorance. La faute intentionnelle s’appelle « Zadon », orgueil, arrogance.

Comment expier, faire absoudre les fautes que l’on a commises ?

Là encore, nous avons trois expressions qui désignent les degrés qui vont jusqu’au pardon total :

  • « Seli’ha » vient de la racine Salàh = traduit par pardon (en langue française)
  • « Me’hila » vient de la racine Màhal = traduit par pardon (en langue française)
  • « Kappara » vient de la racine Kapper = traduit par expiation (en langue française)

Or les deux premiers termes, nous les disons chaque jour dans la prière quotidienne à trois reprises. C’est une des « 18 ou 19 Bénédictions », où nous disons « Pardonne-nous, O Père car nous avons péché (et là viens la racine « Hèt »). Pardonne-nous, O Roi parce que nous avons failli » (et là vient la racine Pècha).

Le jour de Kippour, au moment de la grande confession où nous évoquons devant D.ieu par ordre alphabétique, en trois groupes, toute la série des transgressions que l’on peut commettre, à chacune des interruptions, nous demandons à D.ieu que pour toutes les infractions :

  • « Selahl la nou » Pardonne-nous
  • « Mehal la nou » Absous-nous
  • « Kaperl la nou » Remets-nous

Dans l’Ecclésiaste 7:20, il est dit « Il n’y a aucun homme juste sur la terre, au point de faire le bien sans jamais pécher » et là c’est le mot « Hèt » qui est utilisé.

Il faut donc reconnaître ses fautes et en demander pardon à D.ieu.

L’expiation de la faute

Dans le Lévitique, il y a une législation complète qui concerne l’expiation de la faute. Au chapitre 16, la Thora décrit la cérémonie d’expiation présidée par le grand prêtre Aaron après la mort de ses fils. Il s’agit d’un rituel qui complète les sacrifices quotidiens par des offrandes expiatoires, parmi lesquelles figurent les deux boucs, dont l’un sera offert en sacrifice de « Hatat » (Hèt) et l’autre envoyé dans le désert, que l’on appelle le « Bouc émissaire ». Ce sont les vingt-huit premiers versets du Chapitre 16.

Avant d’envoyer le bouc vers le contrée désertique, le grand prêtre devra confesser à haute voix les fautes de la collectivité et ses fautes privées et en charger symboliquement le bouc émissaire. Les versets suivants 29 à 34 instituent pour le 10 du 7ème mois (ce qui est chez nous le 10 Tichri) une journée annuelle de mortification pour se purifier devant D.ieu. Ici, nous avons donc deux nouveaux termes: la mortification et la purification.

Il est dit: « Ce sera pour vous un statut perpétuel pour relever les enfants d’Israël de tous leurs péchés une fois l’année ». C’est là l’institution et le rituel du jour du Kippour. Mais le terme de « Yom Kippour » ou « Yom ha Kippourim » n’apparait pas dans ce chapitre. Il ne figure qu’en Lévitique 23 sous le nom de « Yom ha Kippourim », le jour des pardons ou des expiations, jour de jeûne et de mortification pour l’expiation des péchés commis au cours de l’année. C’est là que se trouve défini et imposé pour les temps à venir le jour de Kippour.

Tant qu’existait le Temple, le jour de Kippour était marqué par le rituel des sacrifices, eux-mêmes liés à la confession, à la reconnaissance des fautes commises et à la demande du pardon, mais les prophètes insistent déjà sur l’importance de la pénitence sans laquelle le sacrifice n’est qu’un acte vide de tout sens.

« Armez-vous de paroles suppliantes, revenez au Seigneur, dites lui. Fais grâce entière à la faute, agrée la réparation. Nous remplacerons les taureaux du sacrifice par les paroles de nos lèvres ». Osée dit (14:3)

Isaïe est encore beaucoup plus violent (1:11 -15) :

« Que m’importe la multitude de vos sacrifices, Je suis saturé de vos holocaustes de béliers, de la graisse de vos victimes. Cessez d’apporter l’oblation hypocrite. Votre encens m’est en horreur. Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de mes yeux l’impureté de vos actes. Recherchez la justice, rendez le bonheur à l’orphelin, défendez la cause de la veuve ».

Cela ne signifie pas qu’Isaïe, comme les autres prophètes s’oppose aux sacrifices puisqu’ils sont mentionnés dans la Torah (et par conséquent, ce sont des lois obligatoires). Mais il veut effectivement enseigner que le sacrifice en lui-même, le geste du sacrifice n’a aucune valeur, s’il n’est pas soutenu par une reconnaissance de la faute, une expiation et une pénitence totale.

Au chapitre 57 du même prophète se trouve un texte dans la « Haftara », c’est-à-dire dans le chapitre prophétique qui termine la lecture de la Thora :

« Voici le jeûne que j’aime. C’est rompre la chaine de l’injustice, délier les liens de tous, les jougs, renvoyer libres ceux que l’on opprime, briser toutes les servitudes. Que tu partages ton pain avec l’affamé et que tu recueilles chez toi, le sans-abri ».

Le temple, ayant été détruit en 586 avant l’ère chrétienne, il n’y eut plus de sacrifices et la prière vint remplacer les holocaustes selon la parole d’Osée. Au lieu des actes expiatoires de Kippour, on évoquera le déroulement de la cérémonie disparue et même lorsque nos ancêtres sont revenus de Babylone, cela n’a pas fait disparaître la prière publique de Kippour, ni les oraisons quotidiennes.

Pour la communauté ou pour l’individu, la prière de remplacement des sacrifices par la prière évoquait le sacrifice expiatoire ou le sacrifice de culpabilité. C’est comme si on apportait une offrande réelle. Cela va même plus loin, c’est comme si on s’offrait soi-même en sacrifice.

D’ailleurs si vous regardez attentivement le texte du Pentateuque, vous verrez que pour l’offrande des sacrifices, il est dit « vous apporterez en offrande tel et tel sacrifice une fois au moment de Tichri, c’est à dire le mois de la pénitence. Il est dit « assitem Olah », « vous ferez l’holocauste » et nos maîtres interprètent le mot « vous ferez », « vous ferez vous même holocauste », c’est-à-dire « vous serez vous-mêmes holocauste ».

Pas de pardon sans repentance

Mais il y a deux conditions qui s’imposent dans la prière :

  • d’abord, le retour vers D.ieu, c’est à dire la pénitence (c’est ce qu’on appelle « Techouva » de la racine « Chouv » revenir) ;
  • ensuite, la confession des fautes commises, par l’individu comme par la collectivité.

Il n’y a pas de pardon sans Techouva, et la Techouva elle-même est le motif des solennités de Tichri, depuis les préparatifs un mois avant, puis à Roch Ha Shana même, le jour du début de l’année, puis pendant les « dix jours de pénitence » qui vont de Roch Hachana Jusqu’à Kippour. Et le sommet de toutes ces prières est le jour de Kippour.

Il y a un sloggan que nous répétons aussi bien à Roch Hachana qu’à Kippour et qui dit :  » La Techouva – c’est à dire la repentance – la prière et la charité – qui en hébreu signifie aussi justice – peuvent arrêter et effacer l’arrêt fatal décidé par Dieu. »

Nous avons donc toute cette période pour revenir sur nous et pour faire s’il le faut, transformer la décision divine.

La repentance dans le monde rabbinique

C’est pourquoi la Techouva occupe une place privilégiée dans la littérature éthique du monde rabbinique : Maïmonide, un des grands maîtres de la synagogue au 12ème siècle, consacre un grand nombre de chapitres à la Techouva, ainsi que tous les théologiens du Moyen-âge et des temps modernes.

Un des textes les plus émouvants dans la liturgie des jours redoutables dit : « A Roch Hachana, Dieu inscrit les actions de l’homme, mais c’est à Kippour qu’Il scelle son destin« .

La tradition juive considère que, le jour de Roch Hachana chacun, individuellement ou collectivement, passe devant D.ieu comme un troupeau devant son berger, et c’est alors que D.ieu pèse les actions commises dans l’année et décide du sort de celui qu’Il juge.

La miséricorde divine

De RochHachana à Kippour, il y a 10 jours qui sont les dix jours de Techouva, les 10 jours de repentance.

La possibilité est donnée à l’homme de se repentir, de regretter les fautes commises, mais aussi de prendre l’engagement de mieux agir. D.ieu, durant cette période descend de son trône de rigueur, c’est à dire le trône de justice, pour prendre place sur le trône de la miséricorde. D.ieu à ce moment là ne juge pas avec la rigueur de la loi, mais il est capable et prêt à agir dans le sens de la pitié et de la miséricorde. Et ces 10 jours accordent un délai au pécheur afin qu’il fasse Techouva.

D.ieu le juge alors au delà de la Loi stricte.

Pour celui qui se repent, D.ieu transforme les fautes intentionnelles (en fautes par inadvertance (Hèt). Il diminue la gravité des fautes commises. Plus encore, disent nos maîtres, si le repentir de l’homme n’est pas simplement dû à la crainte du châtiment, ou à la crainte des jours redoutables de Roch Hachana à Kippour, mais s’il est l’expression d’un retour d’un amour sincère de l’homme pour D.ieu, alors les fautes elles-mêmes sont supprimées et deviennent des actes méritoires : au lieu qu’il y ait eu péché, ce péché pardonné rentre dans les qualités et les valeurs morales et humaines de l’homme.

Il existe un texte dans le Talmud de Jérusalem qui dit : « On a demandé à la sagesse quel est le châtiment du pécheur et la sagesse a répondu : C’est le malheur qui poursuit les pécheurs », encitant un verset des Proverbes.

On a interrogé les prophètes : Quel est ensuite le châtiment qui frappe le pécheur, et les prophètes ont répondu par la voix d’Ezéchiel (chap. 18): C’est la personne qui pèche qui mourra. Le fils ne portera pas la faute du père, ni le père celle du fils. Alors on a interrogé le Saint béni soit-il, Lui même: Quel est le châtiment qui frappe le pécheur ? Et D.ieu a répondu avec le verset d’Osée : « Qu’ils fassent Tshouva, et il leur sera pardonné » ou bien « Reviens Israël, jusqu’à D.ieu, je les guérirai de leur égarement. »

Même lorsque toutes les portes du ciel sont fermées à cause du comportement des hommes, celle de la Techouva reste toujours ouverte.

Un texte de Maïmonide dit : »Il y a 24 péchés pour lesquels il n’y a pas de pardon, des péchés d’une telle gravité qu’il n’y a pas de pardon possible. Et des maîtres beaucoup plus récents ont dit : Vous n’avez pas compris Maïmonide : il y a toujours rémission possible lorsque la repentace est sincère, profonde et vient du coeur. A celui qui aurait fauté sa vie entière et revient à D.ieu un jour avant sa mort, tous les péchés seront pardonnés. Et même le plus grand des justes ne pourra jamais s’élever aussi haut, dans le rapprochement de D.ieu, que celui qui a fait Techouva car il peut revenir jusqu’à D.ieu.

Osée dit « Reviens Israël – ad Hashem Elohéha – jusqu’à l’Eternel ton D.ieu”, c’est-à-dire que tu peux monter par ta pénitence jusqu’au trône divin.

« Est-ce que je souhaite la mort du méchant ? dit le Saint – Béni soit Il.- qu’il revienne de sa conduite et qu’il vive ». Ezéchiel 18

« Venez donc et discutons, dit le Seigneur. Vos péchés seraient ils comme le cramoisi ? Ils deviendront blancs comme la neige. Seraient-ils rouges comme la pourpre ? Ils deviendront comme de la laine blanche. » Isaïe 1

Mais la pénitence seule n’est pas tout. Il faut aussi « Vidouï », la confession.

Pas de Techouva sans confession

Aaron, dans la liturgie de Kippour, confessait sur la tête du bouc émissaire, les iniquités et les fautes des enfants d’Israël, et leurs offenses, et vous avez là, de nouveau, les trois termes qui désignent le péché dans le texte du Lévitique. Mais il ne s’agit ici, précisent nos maîtres, que des fautes que l’homme commet envers D.ieu.

Les fautes que l’on commet envers son prochain ne peuvent pas être pardonnées, et il faut d’abord que l’on demande pardon à l’homme ou qu’on obtienne le pardon de celui que l’on a offensé.

A ce moment-là, je peux m’adresser à D.ieu, et ma Techouva peut être une Techouva valable.

« Il confessera (il s’agit de celui qui a commis une faute envers un autre homme), il confessera le préjudice qu’il aura commis et restituera l’objet du délit.” Nombres 5

A ce moment-là, D.ieu dit : « Puisque vous avez obtenu le pardon de l’autre, je peux à mon tour vous pardonner. Mais ne me demandez pas de vous pardonner si vous restez en colère les uns contre les autres, pourquoi vous pardonnerais-je à mon tour ? ».

Celui qui dit : « Je vais pécher, puis je ferai pénitence », sa pénitence ne sera jamais acceptée.

Celui qui dit : « Je vais pécher, et le Yom Kippour qui vient, m’apportera le pardon », celui-là ne sera pas pardonné.

Tous solidaires

La confession qui s’appelle « Vidoui », la repentance et la techouva peuvent être individuelles ou collectives.

Il existe un adage dans le Talmud qui dit : « Chaque juif est coresponsable des actes de son prochain ». Nous nous sentons solidairement impliqués dans le comportement de notre voisin, qu’il soit proche ou lointain.

La confession, qui est faite à haute voix, contient l’énumération de toutes les fautes possible y compris des fautes que jamais, celui qui en fait confession, n’aura commises. Toutes les fautes possibles sont énumérées par ordre alphabétique et toujours exprimées au pluriel : “Nous avons péché, nous avons failli”.

Si la Techouva est un acte individuel qui ramène l’homme dans le droit chemin, la confession vidoui reconnait les erreurs de chacun, en s’engageant à s’en écarter, pour devenir par là un « Baal Techouva », un homme qui revient ou qui veut revenir vers D.ieu et vers Sa loi.

Baal techouva

Comment est-on Baal Techouva ? Je reprends le texte de Maïmonide – deuxième et troisième chapitre des « Hil’Hot Techouvot » : « c’est celui qui a commis une faute et qui la regrette. Il s’engage à ne pas recommencer et à ne pas se laisser entraîner par ce péché. Il sera repentant si, placé dans une situation identique à celle qui l’a fait commettre son péché, il est capable de résister à trois reprises à l’attrait de la faute. Alors il peut se dire « Baal Techouva », l’homme qui se repent ; cet homme confesse ses erreurs à voix haute ou à défaut dans son coeur et grâce au repentir et à la confession, il obtiendra le pardon de Dieu. Car seul Dieu peut accorder le pardon. »

Le grand Prêtre jadis, ne pouvait qu’intercéder pour le pécheur. Il ne pouvait pas prendre la place de D.ieu. Il pouvait dans sa prière et dans son geste exprimer à D.ieu, la pensée profonde que la communauté ou l’individu avait dans son coeur.

Lorsque l’homme a commis des péchés véniels et s’en repent, la Techouva est agréée immédiatement par D.ieu qui pardonne à l’instant même.

Pour des fautes plus graves, la Techouva n’apportera le pardon divin que le jour de Kippour, le jour de l’expiation où alors la pénitence primitive est complétée par la pénitence individuelle et collective.

Pour les péchés plus graves encore, Techouva et Kippour n’apporteront le pardon que si le pécheur a été éprouvé par des épreuves physiques et morales qui peuvent briser son coeur trop fier et le montrer dans son humilité.

Il existe enfin des fautes si grandes que seule la mort pourra apporter le pardon divin, si le pécheur a préalablement regretté ses actes par la Techouva.

Nos prières à D.ieu

Ceci nous amène à parler du pardon, ce pardon que D.ieu accorde à l’homme qui regrette et confesse les fautes commises et qui s’engage à ne pas récidiver.

Habituellement, pendant toute l’année, nous avons trois prières quotidiennes : celle du matin, celle de « Minha » (l’offrande de l’après-midi), et celle de « Mà ariv » (la prière du soir ou de la nuit). Dans ces trois prières quotidiennes, nous disons à Dieu : »Pardonne nous, O Père, car nous avons péché. Sois indulgent O Roi car nous avons failli ». Et les termes utilisés sont « Sela’h » de Seli’ha, Me’hal de Me’hila.

Le shabbat et les jours de fête, s’ajoute une quatrième prière « Moussaf », la prière supplémentaire où on évoque les sacrifices spéciaux offerts ces jours-là.

Le jour de Kippour

A Yom Kippour, il y a une cinquième prière qui s’appelle « Ne’ila », la fermeture, la prière faite avant la fermeture des portes, avant que ne se couche le soleil : nous avons là une dernière chance de nous glisser à l’intérieur du palais divin pour exprimer une fois encore tous nos regrets.

L’évocation pour le pardon divin occupe la place essentielle des cinq prières de la journée.  A Yom Kippour, le grand prêtre priait ainsi par trois fois : « De grâce Seigneur, j’ai péché « Hèt », j’ai été pervers « Avon », j’ai été inique « Pècha » devant Toi, moi, ma famille, tout Israël. De grâce Seigneur remet (avec la racine « Kapper ») les iniquités, les offenses, les transgressions. Comme il est dit dans Ta Torah » (Lévitique 16:30).

« En ce jour, votre expiation aura lieu afin de vous purifier, afin que tous vos péchés soient effacés devant l’Eternel. Dans le même chapitre : « Le grand prêtre purifiera le sanctuaire des souillures des enfants d’Israël ».

Le péché, une souillure dont il faut être purifié

Nous retrouvons la notion que le péché est avant tout une souillure. Que celui qui le commet est un être impur qui doit être purifié.

« Il purifiera le sanctuaire des souillures des enfants d’Israël, de leurs transgressions et de leurs fautes. Le grand Prêtre le dit à trois reprises : la première fois, il ne se mentionne que lui-même et ses proches, sa famille. la deuxième fois, lui-même, sa famille et l’ensemble des « Cohanim » (caste des prêtres) et la troisième fois, lui-même, sa famille, les cohanims et la collectivité entière d’Israël.

Or, nous reprenons nous-mêmes cette prière du grand prêtre. Et à trois reprises, ce qui n’existe plus autrement depuis que le temple a été détruit, nous nous prosternons comme le faisaient nos ancêtres, lorsqu’ils entendaient la confession du grand prêtre.

L’expiation doit nous purifier, car le péché est avant tout une souillure, une impureté de l’âme et cette purification sera la conséquence du pardon de D.ieu.

Rappelez-vous Isaïe : « Vos péchés seraient-ils comme l’écarlate… ».

L’homme qui est jugé par D.ieu à « Roch Hachanna » a pu faire son examen de conscience et, conscient de la solidarité entre tous les hommes, il confesse les offenses qu’il a, ou qu’ils ont commises, vis-à-vis du Créateur. Il évoque les « Hataïm » de « Hèt » les « Avonot » de « Avon », les « Péchaïm » de « Péchà » et il demandera à Dieu « Me’hila », « Seli’ha » « Kappara ». Car ces six termes, les trois termes qui désignent les fautes et ceux qui désignent le pardon, marquent à la fois des degrés dans la culpabilité et des degrés dans la rémission et dans le pardon.

Nous avons commencé en définissant « hèt » comme une faute involontaire, « Av on  » faute en toute connaissance, « pècha » un acte de rébellion à l’égard de D.ieu. Il est donc évident que le pardon pour ces fautes sera plus ou moins difficile à obtenir selon la gravité du péché. Le péché avilit l’homme et le rend impur. Il provoque une rupture entre D.ieu et la créature. Or D.ieu a créé un monde d’équilibre, et chacun de nous contribue à cet équilibre.

La balance de la justice

L’observance des commandements peut faire pencher la balance de justice du monde dans le sens positif. A l’inverse, le péché déséquilibre la création entière.

Or, l’homme n’est pas bon naturellement. Le péché perturbe les relations entre D.ieu et le pécheur.

Par la « me’hila », D.ieu qui pardonne, renoue les liens qui l’unissent à l’homme qui se repent, liens qui ont été relâchés ou brisés par la faute. Le renoncement au châtiment « Mehila », le renouement des liens détendus, ou relâchés entre l’homme et le Créateur, ne font pas disparaitre les conséquences de la faute, tant sur l’âme du coupable que sur le monde perturbé par le péché.

C’est la Kappara, le vrai pardon, qui efface complètement les conséquences de la faute. Mais seule la grâce divine est susceptible de lever les conséquenses que le péché provoque en nous et autour de nous.

Par la « Techouva », la prière et la charité, nous demandons à D.ieu de nous accorder « Me’hila », « Seli’ha » et « Kappara ».

Le « Rav Soloveichik » définit les différences entre ces trois termes qui ont une signification bien précise et différente l’une de l’autre. Elles ne sont pas simplement le pardon ou la rémission. Le terme « Me’hila » n’existe pas dans la Bible. La racine « Ma’hal » ne s’y trouve pas, sauf une fois mais où elle n’a rien à voir avec le péché. C’est une expression juridique, très connue dans le Talmud, qui concerne un créancier et son débiteur. Si le créancier renonce à la dette ou diminue la dette que l’autre a envers lui, il est « mo’hel » de « ma’hal » qui veut dire renoncer ou diminuer un droit que j’ai sur l’autre.

Comme le dit Samson Raphaël Hirsels, c’est « le renoncement par D.ieu au châtiment mérité. Mais il n’y a pas que le châtiment du péché. L’âme de l’homme qui a fauté est devenue impure. Comme le dit le Rav Soloveichik », elle est « Pagoum », c’est-à-dire ébréchée, défectueuse, incompléte. La faute imprime un défaut dans la personne spirituelle du pécheur et elle coupe l’homme de la source vivante de son âme, c’est-à-dire de son « Père Céleste ».

Si D.ieu à Kippour renonce au châtiment, il ne libère pas automatiquement l’homme de son impureté et celui-ci reste coupé du « Maître du monde ». Le but de la Techouva est de purifier la personnalité, l’âme de l’homme et de reconstituer, de renouveler, de restaurer les liens avec D.ieu comme ils existaient avant le péché. C’est là le terme de Seli’ha.

Yom Kippour n’est pas seulement le jour de la « Seli’ha », mais aussi celui de la purification « Tahara ». Alors que la « Kappara », le pardon total, sera la conséquence du retour sincère, du regret de la faute commise et de la confession, car c’est D.ieu seul qui peut accorder cette « Kappara ». Le grand prêtre jadis intervenait pour obtenir cette « Kappara » de D.ieu.

Dans le chapitre 16 du Lévitique, la racine « Kapper » revient quatorze fois dans le passage qui relate le culte au Temple et l’institution du jour annuel de Kippour. Si, tout au long de l’année, je peux exprimer les regrets pour des fautes commises individuellement et demander à Dieu de les pardonner, à Kippour, c’est une confession générale, collective qui doit obtenir l’absolution divine.

A « Roch Hachana », lorsque D.ieu fait passer les hommes devant lui pour les juger, il n’est pas dit « Il fait passer Israël, mais il fait passer tous les hommes, l’humanité toute entière et juge cette humanité entière », c’est à dire qu’il devrait exister aussi une possibilité de repentance de retour pour chaque être humain quel qu’il soit.

Le fil blanc du Temple

Une tradition ancienne, peut-être légendaire, nous dit, qu’il y avait au Temple, un fil blanc qui était tendu d’un mur à l’autre. Ce fil au cours de l’année devenait de plus en plus rouge, à cause du péché qui s’accumulaient et le jour de Kippour, ce fil était rouge écarlate. Si le soir du Kippour, après la prière de « Neila », celle de la clôture des portes, le fil redevenait blanc, c’était la preuve que le pardon de D.ieu était accordé. Le jeûne de Kippour, à ce moment-là, se transformait en une manifestation de joie, une festivité pour marquer la joie de l’expiation. Mais à la fin de l’époque du Second Temple, ce signe a disparu ; il ne subsiste plus que l’espoir et la confiance, que la prière et la charité alliées au repentir sincère de la communauté, seront acceptées par D.ieu et que le pardon nous sera accordé.

Je terminerai par le dernier verset du chapitre 16 du Lévitique, ce livre que nous avons si souvent cité:  » Que ce soit pour vous un statut perpétuel afin de relever les enfants d’Israël de tous leurs péchés une fois l’année ».

Nos maîtres disent : Que signifie une fois l’année ? Est ce que cela signifie qu’une fois par an, il faut célébrer Kippour avec toute sa liturgie ? Non, une fois dans l’année, signifie que Kippour n’a de sens que si sa leçon, si la compréhension de Kippour, si mon retour vers D.ieu, si ce repentir, s’étend sur l’année entière. Nous le souhaitons de tout coeur.

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