Chacune des fĂȘtes juives met l’accent sur un trait de caractĂšre particulier que nous sommes sensĂ©s faire Ă©voluer ; les commandements spĂ©cifiques Ă la fĂȘte nous aident dans ce travail sur nous mĂȘmes.
Souccot est définie comme le temps de notre joie.
Sept jours durant, nous quittons notre confortable nid douillet pour une petite cabane, la Souccah. Comment cela peut-il nous rendre joyeux ?
Ce ne sont pas les objets dont nous nous entourons qui font notre bonheur. On peut vivre dans un vĂ©ritable palace et ĂȘtre malheureux. Inversement, on peut ĂȘtre trĂšs heureux en vivant dans une cabane au fond des bois.
La clĂ© de la joie et du bonheur rĂ©side dans nos relations ; nos relations avec autrui, avec nous-mĂȘmes et avec D.ieu.
Les Arba Minim (les quatre espĂšces)
Chaque jour de Souccot (exceptĂ© Shabbat), du 15 Tichri au 21 Tichri, nous prenons les Arba Minim, câest-Ă -dire les « Quatre EspĂšces » :
- une branche de palmier (loulav)
- des branches de saule (aravot)
- des branches de myrte (hadassim)
- et un cédrat (étrog)
On compose un bouquet de ces quatre espĂšces d’arbres. En tenant le bouquet de la main gauche, on bĂ©nit en direction des quatre points cardinaux, vers le haut et le bas.
La signification des attaches
La coutume veut que lâon fasse, sur le palmier (le Loulav), trois attaches, qui correspondent aux trois Patriarches.
Ainsi, en plus de lâattache qui lie les trois espĂšces ensemble, on en fait deux autres, Ă mĂȘme le Loulav, pour en serrer les feuilles (cf. Choulâhane âAroukh Admour (1), chap. 651, 11).
Et, lâattache infĂ©rieure, qui relie les trois espĂšces, est triple, sur une distance dâun TĂšfaâh (2).
On peut donner, Ă ce propos, lâexplication suivante.
Les trois Patriarches correspondent aux trois attributs de lâĂ©motion :
- Abraham – Avraham correspond Ă la bontĂ© (âHessed)
- Isaac – Yitsâhak correspond Ă la rigueur (Guevoura)
- Jacob – Yaâakov correspond Ă la misĂ©ricorde (TifĂšreth)
Lâattache infĂ©rieure, qui correspond Ă Yaâakov, est triple, car TifĂšreth porte en elle âHessed (la bontĂ©) et Guevoura (la rigueur), cumulant ainsi les trois domaines du sentiment Ă la fois.
Ceci nous permettra de comprendre pourquoi les deux attaches supĂ©rieures sont Ă mĂȘme le Loulav, afin dâen âserrer les feuillesâ, alors que la troisiĂšme rĂ©unit les trois espĂšces.
En effet, câest prĂ©cisĂ©ment par la force de âTifĂšrethâ, la âligne du milieuâ, que lâon peut rassembler plusieurs espĂšces diffĂ©rentes.
Jacob, la ligne du milieu
Les deux attaches supĂ©rieures nâont pas la force de rassembler.
Elles ne font que serrer les feuilles, lesquelles, dâordinaire, en poussant, sâĂ©cartent de la branche du milieu. De fait, une emprise des forces du mal sur la manifestation, ici-bas, des attributs de âHessed (la bontĂ©) et Guevoura (la rigueur) nâest pas exclue.
Câest ainsi quâAvraham donna naissance Ă Ismael (YichmaĂ«l) et Isaac (Yitsâhak), Ă âĂssav.
Il faut donc les attacher pour les empĂȘcher de se rĂ©pandre, de se sĂ©parer de la branche centrale qui est leur origine.
TifÚreth, la miséricorde de Jacob
La troisiĂšme attache, par contre, nâa pas pour but dâempĂȘcher une distension, car les forces du mal nâont pas dâemprise sur lâattribut de TifĂšreth.
Il est dit de Yaâakov que âsa couche est intĂšgreâ.
Il suffit donc de rassembler les diffĂ©rences espĂšces pour que se rĂ©alise lâinteraction.
A Hochaâna Rabba
Cela nous permet de comprendre pourquoi, Ă Hochaâna Rabba (3), on ĂŽte les deux attaches infĂ©rieures se trouvant sur le Loulav, avant la lecture du Hallel (4).
Il ne reste alors que les trois attaches supérieures, réunissant le Loulav aux branches de myrte et de saule.
Au sens le plus simple, ces attaches sont ĂŽtĂ©es, Ă Hochaâna Rabba, parce quâelles empĂȘchent de secouer le Loulav, (Taz au dĂ©but du chap. 651), et que la joie provoquĂ©e par ces secousses sâen trouverait rĂ©duite.
Or, Hochaâna Rabba est le dernier jour de Souccot et il est dit que âtout va dâaprĂšs la conclusionâ.
Il faut donc multiplier les secousses du Loulav, et la joie. En ce jour, celle-ci est particuliĂšrement importante et elle apporte la lumiĂšre.
Ainsi, disparaĂźt lâemprise des forces du mal.
Pour autant, le mal conserve une certaine place, Ă Hochaâna Rabba.
Il reste donc nĂ©cessaire de prendre les quatre espĂšces, dont le but est de faire la proclamation suivante : âNous savons que la victoire est avec nous !â (Midrache Vayika Rabba 30, 2).
Pour autant, cette victoire se rĂ©vĂšle alors de maniĂšre dĂ©finitive, et il nây a donc pas lieu de craindre lâemprise du mal, comme on lâa dit.
Chemini âAtsĂšreth et Simâhath Torah
Il nâen est pas de mĂȘme pour Chemini âAtsĂšreth et Simâhath Torah. Il est alors totalement inutile de faire mention de la victoire et, de ce fait, on ne prend plus les quatre espĂšces.
DâemblĂ©e, les forces du mal sont Ă©cartĂ©es, ainsi quâil est dit âpour toi seul et les Ă©trangers nây ont pas part, avec toiâ â âIl nây a, devant le Roi, quâIsraĂ«l seul !â.
Notes
(1) Le Choulhan Aroukh (en hĂ©breu :Â Ś©ŚŚŚŚ ŚąŚšŚŚÂ = « table dressĂ©e ») est un code de Loi juive compilĂ© par Joseph Caro au 16e siĂšcle. L’ouvrage édicte les lois attenant aux quatre principaux domaines de la vie juive (vie quotidienne, vie « religieuse », vie conjugale et droit civil) en suivant principalement les opinions dâIsaac Alfassi, MoĂŻse MaĂŻmonide et Asher ben Yehiel.
Admour est l’acrostiche des titres ADonĂ©nou MorĂ©nou VeRabĂ©nou. Soit « notre MaĂźtre, notre Enseignant, et notre Rav. »
Quant au Choulâhane Aroukh HaRav, il s’agit d’une oeuvre halakhique incontournable, unique dans sa maniĂšre dâallier la concision Ă la clartĂ©, et la lĂ©gislation Ă lâexplication.
(2) TĂšfaâh : la longueur dâun TĂ©faâh est Ă©gale Ă la largeur de 4 doigts (Etsbaâot), soit environ 8 centimĂštres. (Source Talmud Menaâhot 41b et Rambam, Hilkhot Chabbath, fin du chapitre 17).
(3) Hochaâna Rabba (Hoshanna Rabba, en hĂ©breu : ŚŚŚ©ŚąŚ Ś ŚšŚŚ, « Grande Hoshanna ») est le septiĂšme et dernier jour de la fĂȘte juive de Souccot.
CĂ©lĂ©brĂ©e au moins depuis l’Ă©poque du second Temple avec un rituel particulier, la fĂȘte acquiert ensuite une importance propre jusqu’Ă devenir, sous l’impulsion de la Kabbale, le dernier des Jours redoutables, au cours duquel le jugement rendu Ă Roch HaShana et consignĂ© Ă Yom Kippour est scellĂ© et entre en vigueur. Hoshanna Rabba n’apparaĂźt pas dans la Bible hĂ©braĂŻque.
(4) Le Hallel (en hĂ©breu :Â ŚŚŚ Â«Â Louange Ă D.ieu ») est une priĂšre dâinstitution rabbinique, composĂ©e des psaumes 113 Ă 118. Il est rĂ©citĂ© lors de la plupart des fĂȘtes juives dâorigine biblique ainsi quâaux jours de louange.