Rosh HaShana est le nouvel an juif.
L’expression Rosh HaShana veut littéralement dire tête de l’année. Rosh HaShana est toujours à la fin de l’été, début de l’automne, le 1er du mois de Tishri dans le calendrier hébraïque, le mois le plus chargé de fêtes juives puisqu’il cumule Rosh HaShana, Yom Kippour et Souccoth.
Rosh HaShana est une fête à la fois joyeuse, marquée par un kiddoush et des repas en famille, mais aussi austère du fait d’une longue liturgie emprunte de grande solennité mettant l’accent sur la culpabilité humaine et le jugement de D.ieu. On résout cette contradiction entre joie et gravité en affirmant que notre confiance dans le jugement de D.ieu nous rend joyeux.
Le rite principal de Rosh HaShana
C’est la sonnerie du Shofar durant l’office du matin, à la synagogue.
Le Shofar est une corne de bélier de laquelle on extrait une série de sons bien définis à leur longueur : Tekya, Shevarim et Teroua. On agence ces différents sons (pas moins d’une centaine), afin d’exprimer les différentes combinaisons possibles entre les différents rythmes.
Le moment de la sonnerie du Shofar est considéré comme un des plus solennels de l’année juive, celui qui sonne s’appelle le Baal Tekya et doit être très concentré, l’assemblée se recueille particulièrement pour écouter ces sonneries.
Sur le plan de la Halakha, Rosh HaShana est un jour de fête chômé durant lequel aucun travail ne doit être exécuté.
Depuis l’époque talmudique, à cause de doutes sur l’exactitude du calendrier, on respecte deux jours de Rosh Hashana, y compris en Israël. Mais à l’origine, il n’y avait qu’un jour de Rosh Hashana.
Dans la Bible, cette fête ne s’appelle pas Rosh Hashana, mais Yom Teroua, jours des sonneries, et sa signification originelle n’est pas explicitée.
Il semble que la coutume de compter les années à partir de ce jour soit tardive et on n’en trouve aucune trace avant la Mishna au 3e siècle. Celle-ci se souvient d’ailleurs d’une pratique de commencer l’année à partir du 1er Nissan, au printemps, ce qui est également signalé dans d’autres sources comme le livre des Macchabées. Dans la tradition rabbinique, c’est le 1er Tishri qui l’emporte et qui est considéré comme le jour anniversaire du monde et le jour de son jugement annuel.
Les rabbins, ont recensé pas moins de quatre Rosh HaShana : un pour les années, un autre pour les mois, un troisième pour les arbres et un quatrième pour les animaux.
Pour ce qui concerne les arbres et les animaux, le sens était fiscal et il s’agissait d’avoir une date de référence en vue des dons au temple. De nos jours, le nouvel an des arbres (Tou bishevat) est devenu une sorte de fête écologique, occasion de manger des fruits et de planter des arbres. Du fait que les années sont comptées à partir de Tishri, alors que les mois le sont à partir de Nissan, on obtient ce résultat étrange que si Rosh Hashana est le 1er Tishri, Tishri est le 7e mois !
L’année 5780
Dans le calendrier juif, nous entrons cette année dans l’an 5780, à dater de la création du monde.
L’idée de compter à partir de la création du monde est apparue tardivement dans le judaïsme, en fait pour se démarquer du compte chrétien à partir de Jésus.
Ce compte est symbolique et repose sur un calcul à partir des récits bibliques. Il n’a donc aucune valeur scientifique ou historique. Par contre, il est intéressant de constater que le judaïsme prend pour référence un évènement par nature universel et une époque où les Juifs n’existaient pas encore.
Teshouva (repentance)
Rosh HaShana est relié à Yom Kippour qui survient 10 jours plus tard, le 10 Tishri.
Rosh HaShana est considéré comme le jour de jugement (yom hadin) et Kippour comme le jour du pardon. Entre les deux, il y a les jours de pénitence (de teshouva), moment de délibération céleste durant lequel l’homme doit revenir à de meilleures résolutions. L’idée centrale de Rosh Hashana est donc que nous devons faire Teshouva.
La Teshouva est une notion qui mérite explication : il s’agit littéralement de donner réponse. Comme si notre conscience nous interrogeait et qu’il fallait lui répondre, c’est-à-dire la calmer en revenant à de meilleures résolutions.
On dit de quelqu’un qui est devenu pratiquant qu’il a fait Teshouva, mais ce n’est pas tout à fait le sens de ce terme. Il ne s’agit pas tant de pratique religieuse que d’éthique. Nous devons travailler vraiment sur nous même pour faire Teshouva et pas seulement nous fondre dans un moule religieux, même si celui-ci est bien sûr là pour nous aider à être meilleurs.
L’idée de la teshouva est centrale pour la pensée juive, c’est le fait que l’humain n’est pas enfermé dans un déterminisme inéluctable et soumis à des forces insurmontables, au contraire, l’humain peut se surpasser et devenir meilleur, il peut se changer et changer le monde. Rien n’est écrit une fois pour toute et si on insiste fortement sur la culpabilité, elle n’est pas écrasante, mais responsabilité par rapport à nos actes qui peuvent tous être améliorés.
Sur la base de la Mishna, Maimonide a codifié les lois de la Teshouva. Il explique entre autre que le véritable maitre de la Teshouva est celui qui se retrouve dans les mêmes conditions que celles où il a échoué par le passé, mais résiste et ne faute plus. Cette non récidive exige une véritable révolution intérieure et une grande maitrise de soi.
Même si on n’atteint pas le niveau très élevé du « Baal Teshouva », nous devons profiter des grandes solennités de Tishri, Rosh Hashana et Kippour pour commencer ce retour et ébranler nos mauvaises habitudes. C’est donc nos murailles intérieures que vient faire tomber la sonnerie du shofar, tout comme le shofar servit à faire tomber les murailles de Jéricho dans le récit biblique.
Il va de soi qu’un véritable processus de la Teshouva ne peut se faire du jour au lendemain. Mais une prise de conscience est possible et à partir de celle-ci un long travail sur soi peut commencer. C’est pourquoi le calendrier des fêtes s’étale sur plusieurs jours et surtout que ce cycle de Teshouva est repris d’années en années.
Dès avant Rosh Hashana on récite tôt le matin les selikhot qui sont des prières implorant le pardon. On continue ces slikhot jusqu’à Kippour. Ces poèmes liturgiques, dont certains sont admirables, constituent également le cœur du rituel de Kippour. Dès le début du mois d’Elloul on sonne brièvement du shofar chaque matin.
Le shofar de Rosh Hashana rappelle également le bélier sacrifié par Abraham à la place de son fils Isaac. La lecture biblique principale à Rosh Hashana est le récit de la ligature d’Isaac, akédat Yitsh’ak, qui représente de la part d’Abraham comme de son fils Isaac, lié sur l’autel du sacrifice, la brisure parfaite de l’égo et la soumission à la souveraineté divine.
Souveraineté divine : D.ieu fait le bilan du monde
Cette souveraineté divine est particulièrement mise en avant dans la liturgie de Rosh HaShana et l’on insiste sur le fait que D.ieu est le Roi de l’univers, melekh !
A Rosh HaShana, on insiste également sur l’importance de la Tefila, la prière et son influence positive sur l’âme humaine.
On parle aussi beaucoup de Tsedaka, la charité ou plus précisément le fait de soutenir les autres, même modestement. Il s’agit donc aussi de reconstruire un tissu social déliquescent et de mettre l’accent sur la solidarité.
On dit qu’à chaque Rosh HaShana, Dieu fait le bilan du monde. Celui-ci serait trop coupable pour ne pas mériter d’être détruit et chaque individu trop plein de fautes pour mériter de vivre, mais Sa miséricorde nous sauve de tout.
Il faut donc se souvenir de notre petitesse et assumer nos faiblesses. La sonnerie du Shofar vient ainsi briser notre cœur et notre orgueil. C’est alors que l’on peut revenir à de meilleures dispositions et demander pardon.
Soyez inscrit dans le livre de la vie
Dans le Talmud, on dit de façon imagée qu’à Rosh Hashana, un grand registre céleste est ouvert dans le ciel, Dieu fait les comptes et prend note… Celui qui aura assez de mérites sera inscrit directement dans le « Livre de la vie », le méchant sera inscrit dans le « Livre de la mort » et le moyen devra attendre le verdict positif de Yom Kippour.
D’où l’expression « Soyez inscrit dans le livre de la vie » (גמר חתימה טובה) qu’on se souhaite les uns aux autres.
Sur les cartes de vœux de bonne année, on emploie aussi diverses formules traditionnelles en allusion à cet examen de passage, mais le souhait le plus courant reste tout simplement « טובה שנה » « Bonne Année ».
La pomme dans le miel
La coutume de la pomme dans le miel marque le premier repas de l’année. On l’accompagne du souhait : « que cette année soit bonne et douce ». On mange de la tête de poisson en ce souhaitant d’être à la tête et non à la queue… on mange, des grenades en se souhaitant avoir autant de mérites que la grenade a de grains…
L’après-midi de Rosh Hashana, on fait le Tashlikh. Il s’agit d’aller au bord d’une source d’eau, lac ou rivière et de réciter des versets faisant allusion à l’eau purificatrice et au fait que nos fautes doivent disparaitre dans l’abîme. C’est une coutume relativement récente, datant du 16e siècle, devenue très populaire et on voit dans toutes les grandes villes des groupes de Juifs venir ensemble « jeter leur fautes aux poissons ».
Il est intéressant de voir qu’une fête sans signification connue dans la Bible et qui n’avait peut-être au départ qu’une valeur administrative, s’est chargée au cours des siècles d’un sens de plus en plus fort, de coutumes de plus en plus riches et surtout d’une dimension morale et spirituelle essentielle.
Rosh HaShana est donc un jour joyeux, mais aussi grave et l’occasion de penser à se renouveler et à s’améliorer.
L’homme se façonne toute sa vie pour chercher à être digne de se présenter devant Son Créateur, avec humilité, mais aussi fierté du chemin parcouru.